Interview et chronique "Topsy Turvy World" par Core and Co Webzine

Date de l'interview : 26/07/2010
Membre interviewé : Madame B
Auteur : Ukhan Kizmiaz


L'occasion rêvée de faire plus ample connaissance avec Madame B. Elle qui a pour habitude, à travers ses blogs, ses photos, ses créations, de nous emmener découvrir les autres.

Topsy Turvy World apparaît comme une dédicace à la musique minimaliste des années 80 (fin 70's), une forme d'hommage ?
Ca fait parti de mes influences, il est donc possible que ça transpire dans ma musique mais il n'y pas de démarche volontaire à rendre hommage à ce courant musical ou à un autre.

Même si l'ensemble dégage une forme d'oppression, il y'a de la lumière, notamment à travers tes parties de chants.
Un peu comme dans la vie, c'est noir et oppressant avec des moments de lumières. J'avoue que rien n'est calculé quand je fais un morceau, j y vais au feeling, il peut donc s'en dégager différentes émotions selon mon état d esprit du moment et les paroles que je chante.

Tu as réalisé le disque seule, par sécurité ? Par choix ? Par convictions ?
Par choix, c'était une sorte de continuité de Madame B. J'avais envie de rajouter une contrainte à ce que je fais, voila pourquoi j’ ai choisi d’utiliser uniquement mon synthé pour ce projet.

Ton Blog http://madame-b-music.blogspot.com/ est un véritable catalogue d'une certaine forme de contre-culture, on y rencontre aussi bien Iggy que des classiques de la "new-wave" comme Red lorry Yellow lorry ou des combos plus obscurs mais à tendance disons dark. Qu'évoques pour toi, cette forme de culture ? On a l'impression que cela forme un tout.
Le spectre de mes influences est assez large, je ne me mets pas de barrières, peut importe le style si ça me touche. Mon univers est composé d influences variées, pour moi ça forme un tout, je m'y reconnais et m'y sens bien.

Il est temps de faire plus ample connaissance avec toi.
Bientôt 30 ans et presque normale! héhé! non sérieusement, j'ai commencé à écrire à 12ans et je ne me suis plus jamais arrêtée. J'ai toujours voulu faire de la musique sans jamais oser passer à l'acte. Après avoir vécu à Londres pendant trois ans, je suis rentré en France avec des centaines de textes/poèmes, et toujours cette envie de faire de la musique, alors je me suis lancée! Un ami m'a convaincu de mettre mes morceaux sur myspace et je l'en remercie! Je n ai pas de technique, et quand j'ai commencé je n'avais pas du tout de matériel. Je ne me considère pas comme chanteuse et musicienne, je considère que je fais du bricolage musical! Pour résumer " Instinctive and emotional D.I.Y music " Au fur et à mesure j'ai récupéré quelques instruments comme une basse, un vieux synthé, une guitare sèche, une boite à rythme etc Je ne sais pas jouer mais ca ne m empêche pas d utiliser tout les instruments. J’essais, j 'y vais à l instinct, un peu comme des impros et j enregistre chez moi sur mon ordi portable avec Audacity. J'ai 2 projets solo: MADAME B et TOPSY TURVY WORLD. Les 3 albums/démos MADAME B sont une sorte de rétrospective de ce que je fais avec tous les instruments qui me tombent sous la main depuis 4ans. Pour TOPSY TURVY WORLD c'est le même principe sauf que je n'utilise que mon vieux synthé Yamaha PSR7. J'ai également d'autres projets : LES ENFANTS SALES avec Christophe Andres et BLOODY MARY avec Cyril Mary. Ainsi que des collaborations avec Frédéric Lemaître pour ROOM111 , Wall&Void pour CAPUT CARTRIDGE et C.V.Edwards pour SEEGLASS. J'ai un nouvel album/démo Madame B NOISI(H)ER SILENCE sorti depuis début mai.(Tous mes albums/démos sont fait main à la maison, DIY de A à Z) Quelques collaborations prévues avec différents artistes ; dont une avec Vincent Vbas sous le nom PARADE, nous avons réalisés 4 titres. Pour les autres ce ne sont que des idées de projets, je ne préfère donc pas m'avancer.

Il y a également TEENAGE SIN TASTE et STOLEARM qui m'ont proposé de remixer des morceaux de MADAME B. Et puis toujours de nouvelles compositions pour TOPSY TURVY WORLD , LES ENFANTS SALES et BLOODY MARY. Je fais aussi de la photo et de la peinture depuis longtemps et je tente aujourd’hui la vidéo. Un peu comme la musique, j'y vais à l'instinct.

Ton meilleur souvenir de concert que tu as suivi ?
Il y en a eu quelques uns...mais je dois dire que le concert de Patti Smith à Argeles cet été m'as bouleversé, j'ai chanté et pleuré du début à la fin du concert. Cette femme est, à mes yeux, une guerrière sensible dégageant des émotions intenses et une énergie créatrice incroyable, elle est humaine, généreuse et touchante à tout point de vue.

Tes vidéos développent des scénarii liés à l'oppression, parfois à la condition féminine. Tu arrives pourtant à ne pas être militante dans ces images véhiculées. Quel est ton message ?
Je ne me sens appartenir à aucun mouvement et je ne cherche pas à faire passer de messages. J’écris ce que je vis, ressens, vois et la musique comme la vidéo vient à moi naturellement, c'est un exutoire. Je suis une femme et je parle de mes révoltes et de mes souffrance mais ça ne fais pas de moi le porte paroles de la condition féminine. Très intéressé par le sujet et tout ce qui s'y rapporte, je ne me définis pas pour autant entant que féministe militante. J'ai de la compassion et de la solidarité pour les femmes qui souffrent à travers le monde comme pour n importe quel être humain en souffrance.

Pour en revenir au disque Dirty Boy, Dirty Girl est presque calibré dancefloor, un autre clin d'oeil ?
Tu veux surement dire " au disque Topsy Turvy World et le morceau Dirty Girl Dirty Boy " .... J'avoue ne pas entendre le côté dancefloor, en même temps je ne les fréquente pas, c'est peut etre pour ça.

Le malentendu à propos de ta musique ?
Je ne suis pas perfectionniste et j'aime le spontané, voir carrément les 1eres prises, quitte à perdre en définition. Dans la musique en général et dans la façon de l'aborder je ne supporte pas les règles, pour moi chacun créé comme bon lui semble. Tout le monde a sa façon de voir et de faire les choses, le libre arbitre me semble élémentaire quand on compose, surtout si on le fait seul. C'est une passion, un besoin, un exutoire, je ne veux pas de contraintes et d'obligations quand je compose.

L'interview va paraître chez Core & Co. Quel(s) est(sont) le(s) groupe(s) ou l'(les)album(s) metal ou Hardcore dans le(s)quel(s) tu aurais aimé jouer ?
Black Flag, Minor Threat, Bad Brains, Dead Kennedys et 25 Ta Life

Ukhan Kizmiaz




CHRONIQUE TOPSY TURVY WORLD - Topsy Turvy World

Avec ce Topsy Turvy World, nous entrons en plongée minimaliste dans une Electro froide et hostile. Le genre de disque qui nous transforme en champion d’apnée. Une baignade dans l’angoisse, l’inconnu et le noir. Après quelques brassées, on se rend compte que l’on peut respirer, humer sans étouffer. Il devient agréable d’évoluer dans ces eaux, pas si paisibles que ça mais un peu accueillantes.

Le monde sens dessus-dessous de Madame B, à l’instar des standards du genre, aurait pu être un album exclusivement claustrophobe, technique, entièrement dévolu à une certaine technique et à la recherche des sons. Il y’a de ça ! Seulement, si l’on écoute l’œuvre d’une oreille distraite en un jet. Seulement les 6 titres de cette démo sont bien plus ambitieux.

Dirty Girl Dirty Boy a l’essence d’un Down by the water de PJ Harvey ! Un regard industriel sur une mélodie blafarde, le tout pour un titre particulièrement addictif. Là, votre serviteur se surprend à vouloir à tout prix voir Madame B en Live. A vivre aussi ses émotions mécaniques, sentir la rouille. Plus loin Ground évoque le meilleur de la Cold-wave allemande et c’est du côté des œuvres de Gudrun Gut qu’il faut se référer. De la musique industrielle en mode minimaliste et bleeps électroniques. Le pendant d’une production un peu chiche (il s’agit d’une démo, il faut s’en rappeler). Tout est là,Madame B a opté pour un choix artistique hors du temps, un peu hors normes aussi laissant libre cours à sa créativité décalée.

Topsy Turvy World est aussi une forme d’hommage à toute cette frange minimaliste européenne qui émergea au début des années 80 où les femmes avaient un rôle de choix dans les compostions, encore plus dans les influences. En 6 espaces presque nus, Madame B marque un temps d’arrêt presque contemplatif : Her Name was Sam et le terminus This Mess. A l’instar de Project 202 (Fr), un univers autre semble s’étendre de manière infinie entre les genres et les divagations soniques et ce de la manière la plus confidentielle qui soit. Il est peut-être temps d’en prendre conscience.

Au final, cette plaque abonde de sentiments, d’expressions, d’une forme de révolte aussi. Clairement, l’auditeur « sent » l’électricité, le son, et ces ambiances glisser, se blottir, appuyer pour se lover en lui. Ce monde a beau être Electro, il est diablement sensuel ! Cela rend le tout d’autant plus surprenant et émouvant.

Ukhan Kizmiaz
le 17/07/2010